Patrimoines historiques
UN PEU D'HISTOIRE
LES GRANDES DATES
Ier siècle | Les Romains exploitent les mines aurifères. |
Vème siècle | Installation des Wisigoths. Leur royaume comprendra le Sud de la Gaule et l’Espagne. |
L’Abbé Sabarthès dans son « Dictionnaire topographique du département de l’Aude » (source: Gallica) donnera la chronologie suivante :
889 | Le site nommé « Villa Bugaragio » appartient à l’abbaye de Saint Polycarpe. |
1209 | Début de la croisade des Albigeois le village ne semble pas inquiété, il n’héberge pas de cathares (parfaits) connus ou militants. |
1231 | Après la défaite des cathares, le site de « Bugaaragium » est dans le fief de Pierre de Voisins, compagnon d’arme de Simon de Montfort. Curieusement, aucun château ne figure dans l’acte à part le Querium de Malet (hameau situé à La Vialasse et appartenant au territoire de Bugarach). |
1347 | Le site se nomme « Bugaragium« . |
1572 | Durant les Guerres de Religion, le village de « Bugaraich » et son château sont une des bases des calvinistes cévenols et castrais pour les Corbières. Bugarach comme d’autres villages de la région est le théâtre d’affrontements importants entre Catholiques et Huguenots. Plusieurs fois massacré (1575 – 1577), le village est ravagé et la garnison exterminée en Mai 1586, par le Duc Anne de Joyeuse à la tête des troupes de la Ligue Catholique grâce à l’appui de 4 canons, après 20 jours de siège. ( Source : https://fenouilledes.fr ) |
1713 | La carte de Roussel, recensant les fortifications, identifie « Beugarach » comme un village fortifié. |
1756 | Durant le règne de Louis XV, la Guerre de Sept ans (1756-1763) fait des prisonniers parmi la population bugarachoise |
1815 | La carte de Cassini (autre recensement) précise que les fortifications du village sont en état. |
1831 | Le village compte plus de 1000 habitants , 3 usines de chapellerie, 5 moulins à eau, de nombreux commerces et artisans. On y organise 3 foires. Puis l’industrie chapelière se déplacera à Espéraza (fin des années 1830) pour des raisons de logistique (arrivée du chemin de fer) mais aussi de besoin en eau (L’Aude). La marque de chapeaux « Bugarach » a disparu depuis les années 1990, portée par les grands de ce monde (Reine Elisabeth II d’Angleterre, François Mitterand, entres autres). L’entreprise Montcapel à Montazels perpétue aujourd’hui la création de chapeaux de feutre dans la Haute-Vallée de l’Aude. |
Aujourd’hui | Le village, avec ses 246 habitants (2024), a une activité essentiellement agricole évoluant, avec ses restaurants, gîtes et chambres d’hôtes, vers l’accueil touristique. |
LES SEIGNEURIES DU XVIe SIÈCLE
La seigneurie de Bugarach, Sougraigne et Lavaldieu s’étend au nord du Pech de Bugarach, dans le secteur occidental du massif des Corbières. Deux vallées orientées Est-Ouest, séparées par une longue serre rocheuse, constituent l’essentiel du relief et correspondent l’une au fief de Bugarach, l’autre à celui de Sougraigne, Le bassin de Bugarach étant le plus important.
Pour plus de détails : Les Seigneurs de Bugarach, Sougraigne et Lavaldieu
LA MERIDIENNE VERTE
Bugarach se situe sur la méridienne verte, c’est à dire le « Méridien de Paris ».
C’est en effet sur le Pech de Bugarach que les deux astronomes et mathématiciens Jean-Baptiste Delambre et Pierre Méchain posèrent un des jalons fondateurs du système métrique universel.
Héritiers de la Révolution française et en son nom, les deux scientifiques furent chargés par l’Assemblée Constituante, en 1791, d’établir un système de mesures universel, valable « pour tous les temps et pour tous les peuples », qui n’ait plus pour modèle l’homme (on mesurait alors en pouces, en pieds, en coudées), mais le seul vrai patrimoine commun de l’humanité, la Terre.
Mettant à profit les derniers progrès des mathématiques et de la géométrie, en appliquant la méthode dite de la triangulation, les deux hommes gravirent notamment le Pic de Bugarach pour mesurer un bout de l’arc terrestre (de Dunkerque à Barcelone, soit le quart d’un méridien).
Ces travaux, poursuivis par Arago, permirent de définir le « mètre étalon » soit la 10 millionième part du quart de la longueur d’un méridien terrestre.
Pour plus de détails : article du journal « Midi-Libre »
En 2000, lors des commémorations du changement de millénaire, pour matérialiser le méridien de Paris, des milliers d’arbres ont été planté et dans les villes et villages traversés, une borne a été posée.
LE PECH DE BUGARACH
QUE DIT LA LÉGENDE ?
La légende locale affirme que l’Aude était jadis, une immense et fertile plaine sur laquelle veillaient des fées et des lutins, en lutte permanente contre des dragons et des serpents qui infestaient la région.
La fée Nore et les lutins Bug et Arach étaient vénérés de tous, tandis que Cers, fils d’Éole, père des vents et des tempêtes étaient rejeté de tous, les gens de la terre l’accusant de ravager les récoltes, de saccager les maisons et de meurtrir les arbres et les fleurs.
Un jour que la tempête avait fait des ravages, la fée Nore, prise de pitié, résolut d’implorer le grand dieu Jupiter. Touché par cette audace et peut être par la beauté de la séduisante créature, le maître du tonnerre promit à la petite déesse de calmer les colères de Cers, son petit fils.
Escaladant la montagne pour se rapprocher des cieux, Bug grimpant sur les épaules d’Arach supplièrent à leur tour le maître de l’Olympe. Ce dernier se laissa fléchir, dressant dans les nues un promontoire protecteur, fait du même mont sur lequel s’étaient installés les deux lutins pour l’implorer.
A l’abri de ce nouveau bastion, qui prit le nom de Bugarach, toute la plaine du Roussillon et le plateau des Corbières n’avait plus à craindre les colères désastreuses de Cers le Mauvais.
Ainsi serait né le Pech de Bugarach !
GÉOLOGIE
Lors du rapprochement des plaques Ibérique et Européenne, créant ainsi la chaîne des Pyrénées, les roches sédimentaires se sont plissées puis cassées. L’ordre des couches géologiques est inversé.
C’est ainsi que la base de la montagne est constituée de sédiments de -70 millions d’années alors que le sommet date de -135 millions d’années.
La couche supérieure devrait être récente et au sommet (et inverse). Ce que l’on voit en haut devrait être en bas.
Bugarach, possède donc la particularité d’être formé par un pli anticlinal, certes, mais totalement inversé. Ce phénomène n’est pas unique au monde, mais reste cependant assez rare.
Le Pech de Bugarach, anciennement Pech de Thauze, domine les Corbières avec ses 1231 m et offre une vision périphérique de son sommet sur le Pic du Canigou, la plaine du Roussillon et la Méditerranée, la chaîne des Pyrénées ariégeoises et la Haute Vallée de l’Aude jusqu’à la Montagne Noire au-dessus de Carcassonne.
Le pic est isolé, c’est-à-dire entouré de vallées et non rattaché directement à d’autres montagnes pour former une chaîne (sauf par un petit col au sud). Il joue un rôle météorologique sur la Haute Vallée de l’Aude et plus particulièrement sur les communes à ses pieds par l’effet de foehn qu’il engendre. Il est en effet constamment battu par le Cers (vent du Nord) ou le « marin » (vent venu de la mer Méditerranée).
Sa partie occidentale est située sur le territoire de la commune de Bugarach, sa partie orientale sur celle de Camps-sur-l’Agly.
L’Agly prend sa source sur les pentes du Pech avant de s’écouler vers le sud en créant au passage les magnifiques Gorges de Galamus, frontière naturelle entre l’Aude et les Pyrénées Orientales.
Par ses formes anguleuses et cassées, il offre un aspect imposant et n’échappe pas aux rêveries de l’imaginaire en tentant d’y découvrir des formes révélées par la lumière en fonction des heures de la journée (chèvre, bouddha, tête d’homme,…).
Au cœur d’une région où mysticisme et ésotérisme abondent, il est l’objet de nombreuses fables, mythes, rumeurs ou élucubrations des plus farfelues. Ainsi entre « fin du monde », « vortex », « porte galactique », « garage à OVNI », « inversion magnétique », « centre d’énergies », « base secrète », « Agartha », « sanctuaire de l’Arche d’Alliance » ou dépôt de tous les trésors du monde (wisigoths, templiers et sûrement d’autres à venir !), le Pic de Bugarach occupe depuis 2012 la toile internet.
Heureusement, il reste que cette montagne et ses vallées attirent les randonneurs et marcheurs occasionnels pour profiter de leurs beautés et richesses environnementales.
Placé sur le Sentier cathare (GR36), le Pic offre un accès à son sommet relativement aisé par le col du Linas depuis l’aire de stationnement créé il y a quelques années et un accès un petit peu plus difficile par le « passage de la fenêtre » dont le départ peut se faire du village ou de la D45 (route de St Louis & Parahou).
Au cours de ces ascensions, le randonneur aura l’occasion de découvrir une palette végétale d’une diversité floristique exceptionnelle faite d’associations de chênaie d’yeuse, de chênaie pubescente, de hêtraie, de landes et de pelouses riches en orchidées puisque, au Pech et dans ses environs, l’on peut rencontrer plus de 80 espèces sur les 140 environ recensées en France.
Pour les courageux, le tour complet (village, Cascade des Mathieux, fenêtre, sommet, redescente par le col du Linas, retour à Bugarach), soit 15 kms faisables en 6 à 7 heures.
Côté Sud, au pied de l’éperon rocheux, s’étend le beau plateau verdoyant de Malabrac et le hameau abandonné de Campeau.
Si l’extérieur est bien visible et remarquable, l’intérieur du Pic recèle, non pas l’Agartha, comme vu précédemment, mais bien tout un réseau souterrain des plus intéressants en cours d’excavation et de cartographie : le Bufo-fret qui présente un développement de 5 534 m, pour une dénivellation de 182 m (- 10; + 172) – Données Spéléo Corbières Minervois (SCM).
Cet ensemble de galeries, non visitables et rendus inaccessibles pour des raisons de sécurité et de préservation, présente des concrétions et des « salles » importantes.
N’hésitez pas à visiter les sites des clubs de spéléologie ayant accès à la cavité :
Spéléo Corbières Minervois
Spéléo club de l’Aude
LES CHÂTEAUX
La commune compte sur son territoire non pas un mais plusieurs châteaux.
Outre la partie encore visible de l’édifice bâti au sommet de la butte du village, il faut penser qu’il a existé avant ce dernier, un autre château de type médiéval, détruit au cours des Guerres de Religions qui ont dévasté le village. Une partie des pierres taillées ont alors été réutilisées pour reconstruire le château actuel, d’autres ont servi à la reconstruction du village, quelques belles pierres taillées sont d’ailleurs visibles dans les murs des maisons voisines.
Au château intra muros, il faut ajouter au catalogue, le Quier ou Querium de Malet, forteresse médiévale, située dans le hameau de la Vialasse, entre Bugarach et Rennes les Bains, qui, si nous n’avons aujourd’hui que très peu d’indices quant à son architecture et son importance militaire, nous laisse son empreinte sous la forme d’un socle rocheux au milieu de la rivière « la Blanque » qui traverse le hameau en fond de vallée.
Le château du village, en notre époque moderne alors propriété privée, a fait l’objet, de la part de son propriétaire, d’une demande de classement. Il a ainsi été inscrit au supplément du catalogue des Monuments Historiques le 13 avril 1948. La municipalité de Bugarach a ensuite acquis cette bâtisse, en 1996, dans un état de délabrement avancé et a entreprit, en 2011, de procéder à une consolidation des murs existants, la tour menaçant de s’écrouler.
Pour plus de détails : Le château, aménagements, consolidation, rénovations
LE PONT ROMAIN
Ce magnifique petit pont à une arche en arc de cercle, est situé sur la voie « dite romaine » reliant Rennes les bains à Bugarach. Il est situé entre Bugarach et le hameau de la Vialasse. Il permet de franchir les gorges de la Blanque, rivière qui descend du Pech de Bugarach.
Il a été construit au début des gorges pour permettre un franchissement plus aisé quand la rivière se transforme en torrent et que les crues parfois importantes ne rendent le passage à gué dangereux voire impossible pour les troupeaux ou les chariots.
Malheureusement en septembre 1992, une crue exceptionnelle après un orage très violent, l’a emporté, détruisant ce joyau d’époque. Ne subsistaient alors que les culées de chaque côté.
La Municipalité décidait de reconstruire à l’identique ce trésor patrimonial, et fit appel à des tailleurs de pierre « Compagnons du Devoir du Tour de France » et à la collaboration des villageois.
Ainsi en Août 1993, après 2 mois de travaux, construction du berceau et taillage des pierres, le nouveau pont « romain » retrouvait sa place sur la Blanque.
A l’entrée du pont, une plaque de pierre gravée commémore la reconstruction de l’édifice et permet de connaitre le nom des huit tailleurs de pierre qui ont contribué à rendre à l’endroit son charme. Permettant ainsi aux promeneurs de continuer d’admirer les paysages pittoresques des gorges de la Blanque en aval du pont et du Pic de Bugarach en son amont sans oublier le franchissement de la rivière, les pieds au sec. Bien entendu les personnes redoutant le franchissement de ce pont étroit ont toujours la possibilité de traverser par le petit gué situé en amont.
ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE
Aux 18ème et 19ème Siècle, une quantité importante de familles fabriquaient ou façonnaient des articles en buis (peignes et boutons).
En 1790, J.E. Bertrand dans « Description des arts et métiers » note, concernant le jayet (pierre de jais) issu des mines de Bugarach et des communes voisines, qu’au village « on y travaille cette matière assez proprement pour en faire des colliers, des boutons. »
Il donne une description précise d’un des moulins à jayet de la commune.
Bugarach a connu sa période faste au 19ème Siècle.
C’est à cette époque que l’industrie chapelière à permis un développement économique, et donc démographique, incroyable aujourd’hui (au regard de la structure du village et de la quasi absence de vestiges encore existants et visibles), grâce à trois usines de production de chapeaux de feutre.
La population de la commune croît jusqu’à atteindre 1027 habitants au moment du recensement de 1831 (recensement 1821=748 hab. / 1831=1027 hab. / 1836=867 hab.), sans compter les ouvriers venus des villages voisins.
Le village comprendra alors de nombreux commerçants (épiciers, quincaillers, coiffeur, cafetiers, hôtelliers, fourrager,…) mais aussi des artisans (maréchal ferrant, forgerons, boulangers, boucher, un pressoir viticole, vitriers, remouleur,…) et des familles fermières offrants des « petites mains » pour une multitude de petits métiers.
L’activité économique se traduira aussi par l’existence de 2 foires et marchés dans l’année :
« Il y a deux foires qui ont lieu l’une le 20 septembre, assez importante par le bétail à grosse corne, et surtout par les bêtes à laine qui y figurent ; l’autre, le 1er mai »
(extrait de « Note descriptive de la commune de Bugarach » – AD11-16J11- Cavaillès – 1873)
Par la suite, avec le dépeuplement de la commune, les commerces fermeront les uns après les autres au cours des années, ne subsisteront qu’un restaurant et un café en fin de 20ème siècle.
Aujourd’hui et depuis la fin des années 1970, ou la population était au plus bas, la commune connait un renouveau croissant et continu lié à
l’activité agricole d’élevages, de maraichages et de transformation fromagère, mais aussi au tourisme, proposant plusieurs hébergements,
restaurants, snack-buvettes, artisans, et plusieurs auto-entrepreneurs dans diverses activités de commerce ou de service, ainsi que des artistes.